Le monde à ma porte – 28 janvier 2022
Comme vous êtes, chers lecteurs du Journal de Morges, mes confidents depuis pas mal de temps, et que toujours je vous raconte les petites histoires qui effleurent ma vie, je vais vous en narrer une de plus que je me serais bien abstenu de subir, si j’avais eu le choix.
À ce propos, croyez-vous au hasard? À la chance? Il y a bien des années, animés de cette flamme qui caractérise la jeunesse et ses certitudes, un copain et moi avions eu une longue discussion dont le thème était: le hasard existe-t-il? Je disais que oui, mon camarade que non, personne n’avait convaincu l’autre mais notre amitié en avait chancelé pendant quelque temps.
Et aujourd’hui? Je dirais que la chance et le hasard se sont unis pour venir à mon secours, mais c’est à la fraternité que je veux rendre hommage ici. Le jeudi 13 janvier, en fin d’après-midi, je suis allé dans le froid et la bise poster un courrier urgent. Sur le chemin du retour, je passe devant chez mon frère, Jean-Luc, qui est devenu un grand ami depuis que nous ne nous chipons plus nos jouets ou que nous ne nous tirons plus les cheveux. Depuis ce qu’on appelle l’âge de raison. Je continue: je suis devant chez mon frère, le téléphone vibre, je le sors de ma poche. Par hasard (ou pas) c’est lui qui m’appelle. Je tente de répondre, je ne réussis pas à faire glisser mon doigt comme il le faut sur le smartphone. J’y arrive finalement avec, me semble-t-il, mon menton. Je mets cette difficulté sur le compte du grand froid qui fige mes mains. Mon frère m’entend. Il ne comprend rien à ce que je raconte. Mais il comprend ce qui se passe.
Il descend du 2e étage, accourt vers moi. Il est là, devant moi, le petit frère prend le destin du grand en main. Je l’entends parler d’AVC. Il me fait monter en m’aidant. Il m’étend dans son lit. Je ne me suis pas couché dans son lit depuis le temps des culottes courtes. Il fait ce qu’il faut, avec sa chère épouse Monika, qui n’est pas une belle-sœur, mais une sœur, depuis le temps. La fraternité est en marche. Cinq minutes plus tard, on m’embarque, pinpon, pinpon – vers un hôpital, puis un deuxième, où une autre forme de fraternité me prend en charge pour me ramener à la lumière et redonner vie à mes phrases, à mes mots.
Je sais aujourd’hui avec certitude que le hasard a besoin de chance. Il fallait que je passe ici à ce moment précis, mais sans la fraternité sculptée au fil de la vie, je n’aurais pas pu écrire cette petite histoire. Dans son prolongement, je pense beaucoup à ceux et celles qui n’ont pas eu la chance – avec le soutien du hasard – d’être au bon endroit, près d’une bonne âme salvatrice, quand cela leur est arrivé.
Comme le dit un proverbe: «Le hasard gouverne un peu plus de la moitié de nos actions, nous dirigeons le reste». Petit frère, je regrette officiellement aujourd’hui d’avoir systématiquement pris toute la place dans le lit quand nous étions petits et dormions ensemble. i
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