Un petit paradis hors du temps
Si proche et en même temps bien différent des grands châteaux du Médoc, le domaine de l’Île Margaux présente bien des particularités.
Les grands noms de châteaux ne manquent pas en entrant au sein de l’appellation Margaux dans le Médoc: Palmer, Brane-Cantenac, Kirwan, Giscours ou encore Malescot St. Exupéry. Voilà qui devrait parler aux connaisseurs. Mais il y a surtout le prestigieux Château Margaux, «Premier Grand Cru Classé» selon la nomenclature officielle des vins de Bordeaux de 1855. C’est d’ailleurs cette propriété qui sert de repère pour se rendre à l’Île Margaux, l’embarcadère du domaine – que l’on atteint au bout d’une allée de saules et de peupliers – se trouvant à moins d’un kilomètre.
Car toute la spécificité de ce site est là: nichée sur l’estuaire de la Gironde, l’Île Margaux – un kilomètre de long pour 300 mètres de large – n’est accessible qu’en bateau. Si un bras de mer d’une petite centaine de mètres sépare les deux terres, on entre en revanche dans un autre monde dès l’arrivée sur l’île.
Climat particulier
La grande différence par rapport au continent est liée au climat. «Le fait d’être entouré d’un fleuve est un énorme avantage, précise Alice Moffa qui se charge des visites. Nous bénéficions d’un microclimat plutôt clément: il fait moins chaud l’été et plus doux l’hiver. Nous sommes ainsi protégés du gel. Et puis le phylloxéra, cet insecte ravageur de la vigne, n’a jamais élu domicile ici.» Ces atouts ont permis de passer l’ensemble de la production en bio depuis 2011, avec une certification en 2015. Le fort contraste de température entre le jour et la nuit est également un avantage. Ensoleillement, vent et humidité semblent offrir des conditions idéales pour une maturation optimale des raisins.
Le fait d’être isolé au milieu de l’estuaire n’est pas sans risque pour autant, notamment lorsque les coefficients de marée sont importants. L’île a ainsi été sauvée des eaux en 1999. Lors d’une tempête fin décembre, les digues avaient montré leurs limites et le domaine s’était rempli comme une baignoire. Seuls les piquets des vignes dépassaient. Un coup dur dont l’île s’est remise, l’eau étant moins salée en hiver.
Depuis, les digues ont été renforcées et le propriétaire actuel, Gérard Favarel, a créé un sentier pour le moins original. «Il a voulu planter tout autour de l’île 365 arbres fruitiers de variétés différentes, comme le nombre de jours dans l’année, explique Alice Moffa. Il n’y est pas encore arrivé, mais il a dépassé le chiffre de 300.» La promenade sur cette couronne y est du coup très agréable.
Outre le bâtiment dédié à la vinification, on retrouve une autre demeure, celle de Lionel de Mecquenem qui assure la gérance du domaine depuis 1985. Avec sa famille, ils sont les seuls habitants de l’île!
C’est au centre que se regroupe le vignoble, présent depuis le 18e siècle. Il occupe 14 des 22 hectares de la propriété. «Les sols sont très différents de ce que l’on retrouve sur le continent, précise la guide. Il n’y a pas de gravier, mais uniquement de l’argile et du sable, offrant une terre riche.» À l’image des autres îles, sa structure résulte de l’accumulation d’alluvions charriées par la Garonne et la Dordogne, les deux grands fleuves qui forment l’estuaire de la Gironde.
Deux vins
Avec cinq cépages sur l’île (voir encadré), deux vins sont produits: le Domaine de l’Île Margaux et la Cuvée Mer de Garonne. Il s’agit à chaque fois d’un assemblage. Dans le premier cas, l’ensemble des cépages est présent, alors que seuls le Merlot, le Cabernet Sauvignon et le Petit Verdot sont recensés dans le second. «Ils sont tous élevés en fût de chêne, entre 12 et 18 mois selon les millésimes et les vins», précise Alice Moffa.
Si la vinification a bien lieu sur l’île, la mise en bouteille se fait au contraire sur le continent. «Il s’agit surtout d’un aspect pratique, précise la guide. Il est plus facile de faire traverser en bateau de barriques que des milliers de flacons. Et puis ça simplifie l’organisation des livraisons.»
Et même si les vins n’ont pas la renommée de bon nombre de leurs voisins, ils sont nettement plus abordables (entre 15 et 30 euros selon les millésimes). Et rien que la visite de l’île mérite le détour!
Limité pour l'appellation
Lors de la toute première classification des vins de Bordeaux en 1855, les vignes de l’île appartenaient au Château Margaux.Même si l’on y retrouve les cinq cépages représentatifs du Médoc (Merlot 45%, Cabernet Sauvignon 20%, Petit Verdot 15%, Cabernet Franc 10% et Malbec 10%), le domaine n’est pourtant pas autorisé à prendre l’appellation. L’île Margaux, qui appartient à un archipel de huit îles et îlots situés au cœur de l’estuaire, commercialise donc ses vins sous la dénomination «Bordeaux supérieur». Entre 60 et 70 000 bouteilles sont produites chaque année, et le 80% est exporté, notamment en Amérique du Nord ou en Asie.
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