«Chantier forestier, terrain difficile»
Les bûcherons peuvent se retrouver dans des situations périlleuses. Immersion lors d’une journée «Sauvetage et premiers secours».
Il est peu après midi quand nous nous mettons à l’abri au centre forestier du Cambrèze. Alors que la bise souffle avec virulence depuis le début de la journée, un toit et une boisson chaude ne sont pas de refus.
À l’intérieur, une vingtaine de bûcherons sont en train d’avaler leur café. Ils s’apprêtent à commencer la deuxième partie de leur journée «Sauvetage et premiers secours» organisée par le groupement forestier de Ballens-Mollens et le centre de formation professionnelle forestière (CFPF). «Nous n’avions pas mis sur pied une telle journée depuis cinq ans; le métier de bûcheron étant difficile et dangereux, il est important de maintenir un niveau de formation élevé», explique Nicolas Bresch, garde-forestier du triage de Ballens-Mollens (ndlr: qui comprend seize communes).
Une vingtaine de participants sont inscrits pour cette formation qui a commencé aux aurores sur la commune de Berolle. Le personnel forestier du groupement, des employés de la Commune de Bière ainsi que ceux de deux entreprises de la région sont à l’affût. «La forêt a plusieurs fonctions; la production, bien sûr, mais aussi l’accueil, car de plus en plus de monde s’y promène. Les forêts sont également utiles pour la protection contre les chutes de pierre et la biodiversité. Si on veut qu’elles continuent à exercer toutes ces fonctions, il faut les entretenir et pour cela, nous avons besoin de bûcherons», résume Nicolas Bresch.
Se parer d’orange
Notre café avalé, on est prêt pour affronter la bise une nouvelle fois. Mais tandis que l’on monte dans une voiture pour suivre le cortège de jeeps, quelqu’un nous interrompt. «C’est casque et gilet orange obligatoire», précise Eric Locatelli, chargé de cours au CFPF. Autoritaire, mais néanmoins sympathique, c’est lui qui donne la formation durant toute la journée et va créer les différents scénarios.
Après quelques minutes en véhicule, nous nous retrouvons au cœur des bois de Berolle. Eric Locatelli choisit alors trois bûcherons à qui il explique les consignes à l’écart, avant qu’ils ne s’éloignent dans la forêt. Les minutes passent, nous et la quinzaine d’autres professionnels partons à travers les bois pour découvrir la scène. L’un des leurs a le pied coincé sous un imposant tronc. «Messieurs, cet après-midi, nous allons placer le curseur un peu plus haut», avertit le formateur.
L’exercice peut alors commencer. Notre blessé se met à hurler tandis que ses deux collègues tronçonnent, mais aucun d’eux ne bouge, le casque anti-bruit faisant parfaitement effet. Il finit par trouver la parade en sifflant. Il s’agit maintenant d’appeler la Rega. «En principe, dans une forêt, il n’y a pas de réseau. Il faut donc retourner au véhicule et dire “Chantier forestier, terrain difficile”». Pendant ce temps, le troisième acteur saisit des morceaux de bois qu’il déniche autour de lui pour empêcher le tronc de rouler. «Caler, soulager et dégager. N’oubliez jamais ces trois mots», prévient Eric Locatelli.
Sauvetage de la Rega
Un hélicoptère fait son apparition, alors que le blessé s’est évanoui depuis quinze minutes. Après que l’appareil se soit posé aux abords de la forêt, deux sauveteurs accompagnés d’un ambulancier arrivent avec une civière. Les deux bûcherons se saisissent alors de leur tourne-bois afin de dégager la jambe de leur collègue. Une fois sur la civière, ce dernier peut être amené vers l’hélicoptère. «Ici ils sont cinq, c’est le nombre idéal pour transporter un blessé. Imaginez votre table de cuisine et qu’un des quatre pieds se casse. Ça risque d’être compliqué», explique Eric Locatelli.
L’adrénaline de la situation nous a fait oublier la bise, mais le formateur préfère s’arrêter là lorsqu’il constate que les arbres qui nous entourent se mettent à bouger dangereusement. «Ça commence à cogner dur, il faut y aller», annonce Eric Locatelli. «C’est vraiment très utile comme journée. Je me suis retrouvé une fois coincé par un tronc, ce n’était pas aussi grave que ce scénario, mais quand même. Ça arrive plus vite qu’on ne le pense», raconte Laurent Bähler, employé de la Commune de Bière qui suit cette journée.
À la fin de l’exercice, tout le monde se rassemble autour de l’hélicoptère rouge de la Rega. «Vous vous êtes très bien débrouillés, félicite Eric Locatelli. Mais n’oubliez pas qu’aujourd’hui, il fait beau. Vous pourriez avoir la même situation un jour de pluie et là, le blessé se fait rincer pendant quinze minutes.»
On n’ose imaginer la situation, mais il se pourrait bien que certains conseils nous soient aussi utiles.
Quelques statistiques
Le métier de forestier-bûcheron est l’un des plus dangereux: la Suva recense quelque 1700 accidents professionnels par année en Suisse et, en 2021, la Rega a transporté 58 personnes blessées lors de travaux forestiers. «Quand nous intervenons avec l’hélicoptère sur des accidents de bûcheronnage, il arrive que l’unique possibilité de faire parvenir le médecin auprès du patient soit de le treuiller. Le médecin se retrouve alors seul avec les collègues du blessé, décrit Didier Noyer, instructeur à la Rega. Pour agir efficacement, nous avons besoin de connaître les coordonnées précises du lieu du sinistre. Lors de ces exercices de sauvetage en milieu forestier, les intervenants apprennent ainsi à alarmer correctement les secours.»
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