Le point de vue de la rédaction: L’intelligence artificielle: alliée ou pire ennemie?
Sur le devant de la scène depuis de longs mois, l’intelligence artificielle n’est pas encore une menace pour le journalisme local, mais elle présente de nouveaux défis. Comment l’appréhender? La rédaction donne son avis sur la question.
Être fasciné tout en ne tombant pas dans la facilité
L’illustration que vous avez pu voir en page 2 de ce journal a été réalisée par une intelligence artificielle, la semaine dernière aussi et cela nous a bien aidés de pouvoir mettre en image un propos précis, ce pour quoi la photographie est parfois limitée. Une photo d’un lapin en plein combat de boxe avec un Père Noël? Je vous laisse chercher et me redire si vous trouvez quelque chose. En ce sens, l’I.A. est un véritable atout et je me plais à m’y essayer, car cela me fascine. Néanmoins, comme les profs doivent parfois s’arracher les cheveux pour différencier une copie « chatGPTisée » d’un devoir classique, nous devons aussi être minutieux avec l’utilisation de ces outils. Si dans la presse locale nous semblons – pour l’instant – à l’abri (ChatGPT ne connaît pas le nom de la syndique de Morges), d’autres médias sont en pleine réflexion sur l’utilisation de ces I.A. Car il ne faut pas être dupe, nous y viendrons tous à un moment. Comme le numérique a révolutionné nos vies – je m’étais moi-même juré de ne jamais acheter un natel tactile –, l’intelligence artificielle le fera aussi. Il est pourtant nécessaire de s’interroger sur la manière, de sorte que notre cerveau humain reste un avantage et ne finisse pas esclave de la sainte technologie.
Soulagée quand l'I.A. se rate
Saviez-vous que si vous le demandez (clairement et poliment) à ChatGPT, il vous générera un tableau résumant les avantages et les limites des utilisations de l’intelligence artificielle dans le journalisme? Ces arguments devant les yeux, je n’aurais eu plus qu’à piocher dedans pour rédiger ce texte. Chose que je n’ai évidemment pas faite. Est-ce là l’une des menaces de l’I.A.: celle de nous dépouiller de tout sens critique? Je dois avouer que je n’ai pas le sentiment d’avoir le recul nécessaire pour m’être forgé un avis ferme sur la question. Je reste passablement tiraillée entre l’excitation pour cette technologie ludique et utile pour alléger certaines tâches chronophages, et la peur d’être dépassée par quelque chose d’infiniment trop rapide en comparaison de mon petit cerveau humain. Ainsi, j’admets être envahie d’une vague de satisfaction lorsque mon interlocuteur-robot se plante complètement. Par exemple, il m’a appris récemment que j’étais une ancienne championne de moto, décédée en 2021 des suites d’un accident. Et je me suis sentie rassurée à l’idée que notre capacité de vérification des faits servait peut-être encore à quelque chose.
Accepter, prudemment, ses atouts
Les avancées technologiques, parfois, me font l’effet d’un électrochoc. Cela a notamment été le cas lorsque j’ai revu, récemment, la vidéo de présentation du premier iPhone (2007) par Steve Jobs, devant un parterre de spectateurs abasourdis dont les réactions paraissent, près de 20 ans plus tard, complètement anachroniques. Cela s’est aussi produit quand, fin 2022, j’ai testé pour la première fois ChatGPT. Je ne savais alors rien de ses innombrables fonctionnalités et je considérais son utilisation comme un jeu, une activité divertissante, puisque bluffante. Je n’imaginais pas non plus que son usage pourrait questionner à ce point mon futur métier, celui de journaliste. Aujourd’hui, pour le dire honnêtement, j’utilise peu l’intelligence artificielle en travaillant. Est-ce que je passe à côté de quelque chose? Sans doute. Toujours est-il que, dans ma pratique professionnelle, j’estime encore peu utile de me faire aider par l’I.A., que je vois comme un outil qui bloquerait le plaisir que j’ai à rédiger des articles. Mais je le sais aussi, un jour viendra où ma position changera. Peut-être dans pas si longtemps que cela. J’essayerai alors d’être attentif aux limites déontologiques de son utilisation tout en étant convaincu que l’I.A. doit nous interroger sur le cadre (ou l’absence de cadre) législatif qui l’entoure. Et cela, notamment, du point de vue des droits d’auteurs.
Ne pas affubler et espérer du positif
Vous vous dites sans doute qu’en venant prôner une prise de recul et ce sacré bon sens que beaucoup vantent (sans qu’on en ait pourtant une définition claire et commune), je ne prends pas beaucoup de risques. Certes. Mais depuis sa démocratisation, l’intelligence artificielle est l’objet des fantasmes les plus divers… et de craintes, aussi. Ces dernières sont compréhensibles, tant cet essor technologique est complexe à appréhender, au point qu’il semble déjà dépasser l’entendement du commun des mortels. Je ne suis ni expert ni devin, mais comme beaucoup, je m’interroge sur l’impact pour ma profession. Diverses études citées ça et là nous prédisent que les métiers qui ne seront pas transformés par l’I.A. se comptent sur les doigts d’une main. Aujourd’hui, elle peut écrire, résumer, illustrer, mais aussi falsifier. À l’avenir, la question des faits se posera avec d’autant plus d’acuité. Et le rôle des journalistes pourrait s’en voir renforcé. En parallèle, l’I.A. nous délesterait de tâches fastidieuses, comme la mise en page ou le travail d’archives. Utopiste? Peut-être, mais l’innovation n’est-elle pas censée susciter un peu de rêve?
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