Le point de vue de la rédaction: Coupe du monde au Qatar: faut-il boycotter?
C’est fait! La Suisse est qualifiée. Pourtant, des voix s’élèvent contre la tenue de cette compétition. Un pays qui n’a pas la « culture » du football, de nombreux morts sur les chantiers, un calendrier complètement chamboulé, la rédaction se mouille et donne son avis.
«Je ne retrouve pas les valeurs du foot que j'aime»
Pour ma part, c’est tout vu, je ne regarderai pas un seul match de cette Coupe du monde. Trop c’est trop. Alors oui ce sport que j’aime tant a depuis longtemps vendu son âme au sacro-saint dollar (ou euro c’est selon), mais il y a un moment où on ne peut plus tolérer ça. Jouer dans des stades climatisés – construits sur les tombes des ouvriers qui les ont bâtis – dans un pays où le football ne fait absolument pas sens et où il faut payer des spectateurs pour remplir les stades. Désolée, mais c’est non. La Super League qui a tenté de voir le jour l’été dernier a été tuée dans l’œuf grâce aux supporters, pourquoi n’en serait-il pas ainsi aussi avec cette Coupe du monde? Les valeurs du foot que j’aime, je ne les retrouve pas dans cette compétition, alors ce sera sans moi. Et tant pis si l’équipe suisse est au sommet de son art. D’ailleurs, les joueurs vont-ils dire quelque chose? Eux qui se sont agenouillés pour soutenir le mouvement Black Lives Matter oseront-ils s’inscrire en faux? Où vont-ils simplement faire ce pour quoi ils sont (grassement et scandaleusement) payés? J’ai déjà la réponse et malheureusement, elle ne m’étonne pas…
«Une guerre de retard»
Le 2 décembre 2010, la main plus qu’innocente de Sepp Blatter a dévoilé à la planète que le Qatar serait l’hôte de la Coupe du Monde 2022. Qui fait mine de le découvrir en 2021? Pas moi! On va donc faire du patin à glace en Chine, taquiner la Biélorussie ou le Kazakhstan avec un ballon ou une canne de hockey et on ne pourrait pas faire de même au Qatar? Bien entendu, rien ne va dans ce choix: le lieu, la date, le climat. Et alors? Fallait-il vraiment attendre que la Suisse se qualifie pour se poser la question? À ce tarif, zappons aussi le FC Barcelone et tous les autres clubs qui portent le nom de la compagnie aérienne sur leurs maillots, comme d’ailleurs les matchs de tennis, là-bas, de notre légende si exemplaire. La pureté du sport ne fait plus rêver et chacun a le choix de programmer ses prochaines vacances au Qatar ou ailleurs, mais dès le premier coup de sifflet, tout le monde sera derrière la Suisse. Sans penser si la partie a lieu à Doha, Minsk ou Pékin, juste sur l’écran de la RTS. Quant à la situation du pays, il appartient aux autres États de le mettre hors jeu sur le plan politique, pas à Embolo ou Zeqiri à qui l’on demande « simplement » d’être champions dans un an!
«Je mettrai mon maillot bleu»
Je ne boycotterai pas la Coupe du Monde 2022 au Qatar. Prenons les choses dans l’ordre du texte introductif à cette page. Le Qatar n’a effectivement pas la culture du foot, mais n’est-ce pas le rôle d’une telle manifestation que de populariser son sport sur l’ensemble du globe? Si on va jusqu’au bout de l’idée, les États-Unis n’auraient jamais dû organiser le Mondial 94 idem pour la Corée du Sud et le Japon en 2002. Ces éditions sont-elles à jeter? Je ne le pense pas. J’en viens maintenant aux morts sur les chantiers. Apprendre que 6500 ouvriers seraient décédés en construisant des stades, bien sûr que c’est scandaleux. Que Monsieur Infantino (ndlr: le président de la FIFA) mène l’enquête, que Lionel Messi et Cristiano Ronaldo annoncent leur refus de jouer la compétition, que CocaCola se retire et là, le mouvement suivra, mais ce n’est pas moi, un tout récent trentenaire ayant grandi à Saint-Prex qui vais la boycotter. On peut également se poser des questions sur l’impact environnemental de la compétition. Et pourtant, j’irai regarder les matchs avec mes amis et troquerai la bière contre un vin chaud en espérant que Kylian Mbappé et les bleus ramènent une troisième fois la coupe à la maison.
«Grosse désillusion, mais idée illusoire»
Le boycott, c’est comme les fameux “petits gestes du quotidien” qui sauvent la planète: ça ne marche que si tout le monde s’y met. Oui, il est désolant de voir qu’une fois de plus, l’argent est plus fort que tout. Pour quiconque croirait encore à la magie du ballon rond y compris dans ses plus hautes sphères, c’est peut-être même la désillusion de trop. Mais soyons réalistes: l’immense majorité suivra quand même ce tournoi, aussi décrié soit-il. Pour que le désaveu ait un impact, il faudrait qu’il émane d’une fédération ou d’un sponsor de taille. Ou que les gouvernements s’en mêlent, à l’instar des États-Unis (paradis de l’égalité sociale et des droits humains, c’est bien connu), qui menacent de snober les JO d’hiver de Pékin. À ce jour, la probabilité semble infime. Pour ma part, je renoncerai aisément à Serbie-Japon ou Cameroun-Ukraine, comme chaque édition. Je craquerai sans doute pour les matchs de la Nati, quitte à les regarder en streaming pour ne pas gonfler les audiences. Mais ce sera moins dans l’espoir de changer le monde que par simple acquis de conscience.
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