Le monde à ma porte – 1er décembre 2023
Les rouges-gorges sont des oiseaux très familiers. Je me souviens d’une balade dans la neige qui avait transformé la campagne en plaine sibérienne, comme on la voit dans les films.
J’avançais dans la bourrasque, je me prenais pour un aventurier, un homme courageux qui osait traverser les dangers cachés dans la blancheur intense; les flocons de neige très froide me piquaient les pommettes et je peinais à faire mon chemin dans les champs.
Je n’étais pas seul, j’étais accompagné par mon grand chien de l’époque qui devait sans doute, lui aussi, se prendre pour un héros. Il avait de la neige jusqu’au milieu de ses grandes pattes et progressait lentement sans oublier de temps en temps de planter sa truffe dans la neige pour vérifier s’il n’y avait pas là-dessous pas un bon campagnol tout chaud à grignoter.
Nous n’étions que nous, jusqu’au moment où un rouge-gorge arriva comme un flocon orange et se joignit à notre petite équipe. C’était si beau, de voir son poitrail se détacher comme une petite pomme sur la neige. Il ne fit pas qu’un bref passage: il partagea l’aventure sibérienne avec nous en demeurant en permanence à l’abri sous le chien et en sautillant au fur et à mesure pour avancer en harmonie avec le bon vieux César et ainsi rester protégé. Le chien ne devina même pas la présence du passager clandestin et débrouillard. L’oiseau ne quitte son abribus extraordinaire qu’au moment où nous approchâmes d’une haie qui lui proposait un refuge plus classique.
Il ne fit pas qu’un bref passage: il partagea l’aventure sibérienne avec nous en demeurant en permanence à l’abri sous le chien et en sautillant au fur et à mesure pour avancer en harmonie avec le bon vieux César et ainsi rester protégé.
Je n’ai jamais oublié cette randonnée que le petit oiseau rendit si poétique. J’ai repensé à lui l’autre jour quand une amie m’a demandé un service. Elle venait de trouver un rouge-gorge tout ébouriffé et affaibli, sans doute victime d’un chat, qui traînait la patte et ne volait plus. Elle s’était renseignée: pour espérer le sauver, il fallait le nourrir avec des vers de terre.
Elle s’adressa donc au pêcheur que je suis en espérant que j’avais sous ma patte à moi quelques lombrics bien frais. J’en trouvai quelques-uns qu’elle put présenter à l’oiseau qui attendit deux jours pour entamer son repas. Cela ne suffit pourtant pas. Il est mort. Toutes les histoires ne finissent pas bien, même pour les rouges-gorges. J’espère que celui, bien vivant et solide qui vient depuis des mois faire un tour devant ma fenêtre aura plus de chance et échappera au chat fourbe qui le guette chaque jour.
Au moins, l’autre chasseur embourgeoisé, tout gris et plus vif que lui, a déménagé loin du quartier. Un danger de moins, le rouge-gorge peut animer mon paysage hivernal en toute sérénité.
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