Le monde à ma porte - 10 novembre 2023 | Journal de Morges
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Le monde à ma porte – 10 novembre 2023

Le monde à ma porte – 10 novembre 2023

Je cherchais l’autre jour, dans mon bazar, d’anciennes cartes de vœux de Nouvel An – écrites jadis – que j’avais achetées pour quelques centimes dans des brocantes. Il faut savoir que d’habitude, les cartes postales sont plutôt chères quand elles sont anciennes. Mais leur valeur dépend d’abord du thème qu’elles présentent. Les plus recherchées, je crois, sont celles consacrées à un village, une rue, un métier, une usine, et à des scènes sur lesquelles apparaissent des hommes ou des femmes.

Les miennes, celles que j’acquiers de temps en temps, n’ont aucune valeur parce que je les adopte en raison du texte, des messages qui sont écrits à la main, au verso. Elles sont les SMS d’il y a cent ans. Ou plutôt: les SMS d’aujourd’hui sont les cartes d’il y a cent ans. J’avais, il y a quinze ans, consacré un livre à quelques-unes d’entre elles, pour leur rendre hommage, et relever la douce amitié, l’aimable attention, la poésie du simple, qui imprégnait les mots et les messages ainsi écrits. Je suis sûr qu’aujourd’hui, dans les SMS et les conversations Whatsapp, il y a aussi des perles, des trésors de tendresse et d’imagination affectueuse qui se promènent d’un portable à l’autre. Mais elles ne sont pas conservées, hélas, c’est bien là leur défaut et on peut le regretter.

Je suis sûr qu’aujourd’hui, dans les SMS et les conversations Whatsapp, il y a aussi des perles, des trésors de tendresse et d’imagination affectueuse qui se promènent d’un portable à l’autre.

Donc, je cherchais une carte de Bonne année, comme on dit, qui dans mon souvenir était minuscule mais très jolie, classique, naïve, un faon au bord d’un ruisseau enneigé. Je la recherchais juste pour le plaisir de la revoir, mais voilà que je suis tombé sur cette photo que je croyais avoir perdue. Elle date de 1989. Je venais de quitter la rubrique Sports de 24 Heures pour celle des enquêtes et des reportages. J’avais été envoyé en Inde pour suivre un jeune Romand qui allait apporter son aide et convoyer des médicaments à Calcutta, auprès de Jack Preger, le médecin des rues (93 ans aujourd’hui).

Ce fut impressionnant. Avant de repartir, j’étais allé à Katmandou. C’est dans une des rues étroites de la capitale népalaise que j’avais, après lui en avoir demandé la permission, photographié cet enfant dans sa boutique. L’avantage de cette image, c’est qu’elle est en papier. Elle s’est un peu égarée dans mes cartons, mais jamais perdue, en trente-quatre ans, et j’en suis très heureux. Et puisque j’étais dans les cartes de Bonne année, j’y reste: j’ai envie d’envoyer à cet enfant qui doit avoir près de quarante ans aujourd’hui, mes vœux pour 2024:

«Cher Monsieur, cher ancien enfant, je vous écris aujourd’hui pour vous dire le bonheur qui fut le mien de marcher dans la ville de Katmandou il y a trente-quatre ans et de m’arrêter devant vous qui étiez si digne, si concentré, sous les regards des passants comme moi. J’espère que vous avez eu, jusqu’à maintenant, une jolie vie, aussi douce que le sentiment qui m’étreint lorsque je regarde cette image dont je vous envoie une copie.

Je viens de la retrouver parmi d’autres photographies et je vais dorénavant la garder encadrée sur un mur de ma maison, comme une icône précieuse, comme un instant de sérénité détaché du temps qui file. Je vous souhaite une merveilleuse année 2024 et si un jour votre adresse me parvient, je vous enverrai le Journal de Morges du 10 novembre 2023. Avec mon amitié. Un voyageur ému des années quatre-vingt.»

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