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La boussole à croix blanche du Conseil fédéral

La boussole à croix blanche du Conseil fédéral

Guy Parmelin: "Je fais tout pour ne pas vivre dans une bulle, même si la frontière entre la vie privée et publique se révèle fine et que le risque existe."

Du Conseil général du village jusqu’au sommet de l’État et ses rencontres avec les dirigeants les plus puissants de la planète, le conseiller fédéral Guy Parmelin est resté lui-même. Il revient sur ce destin exceptionnel aux allures de conte de Noël.

Dans les rêves d’un enfant, il est «presque» envisageable d’en faire une réalité si l’on s’imagine cosmonaute, pompier ou footballeur. Mais s’il y a bien un «métier» impossible à planifier, c’est bien celui de conseiller fédéral, un siège qu’occupe pourtant le Vaudois Guy Parmelin depuis le 1er janvier 2016. «À part peut-être Jean-Pascal Delamuraz et Pascal Couchepin, tous mes autres prédécesseurs ont été élus au gré de multiples paramètres que le principal intéressé est souvent le dernier à maîtriser», résume en plaisantant celui qui vient d’accéder au statut de doyen de fonction après le retrait d’Alain Berset.

À travers Guy Parmelin (64 ans), c’est surtout ce parcours exceptionnel, mais très traditionnel qui interpelle alors que l’engagement citoyen tend à diminuer. «Le point de départ formel de ma carrière politique tient un peu du concours de circonstances, car je me suis assez tôt retrouvé parachuté à la présidence du Conseil général de mon village de Bursins quand l’occupant du perchoir a déménagé. Ce n’était pas mon objectif puisque je cherchais plutôt à m’impliquer sur le plan cantonal au sein de l’UDC, mais au final ces six années ont eu valeur de formation.»

Tradition familiale

La tête très loin de penser à Berne, Guy Parmelin s’escrime à cette période de la fin des années 1990 à développer son parti, l’UDC, qui vivait encore à l’ombre des projecteurs. «Ce choix s’est fait naturellement dans la tradition familiale sur la base de la fibre agricole. Il faut dire que de nombreux artisans et indépendants ne se reconnaissaient pas dans le tout-puissant Parti radical de l’époque. Je me suis davantage intéressé à la politique vers mes 25 ans, une fois mes études terminées, quand le comité de section est venu me chercher. Nous n’étions alors qu’une partenaire junior, avec pour objectif principal de diffuser nos idées et organiser une belle soirée du 24 janvier, qui était le point d’orgue du calendrier annuel. C’est là qu’on préparait les élections.»

Guy Parmelin est à mille lieues de s’imaginer en hôte des dirigeants du monde, lui qui est occupé à trouver des lots pour la tombola du souper de l’Indépendance vaudoise et à «monter une liste» pour le Grand Conseil. «En 1994, je n’étais pas candidat, mais une défection de dernière minute m’a mis devant le fait accompli. J’ai été élu pour une seule voix devant le sortant de mon parti, ce qui n’était pas très agréable à vivre sur le moment. »

Mais cette voix de plus a clairement lancé sa carrière politique: « Sans ce retrait complètement imprévu, je n’aurais sans doute pas connu le même parcours. Toutefois, on ne refait pas l’histoire et quand on est placé face à ses responsabilités, il s’agit de les assumer. Je pense aussi à la présidence du parti cantonal: je n’ai pas hésité quand il a fallu trouver un successeur à André Bugnon en 1999 et cela m’a donné une belle visibilité en plus de s’avérer être une solide école de vie!»

Je fais tout pour ne pas vivre dans une bulle, même si la frontière entre la vie privée et publique se révèle fine et que le risque existe

Planètes alignées

Des années haletantes, puisque l’UDC Vaud connaît à la fois le succès, mais aussi une forme de rejet à force de se glisser dans le sillage de Christoph Blocher et sa ligne dure. Reste à se faire élire et rejoindre l’Assemblée fédérale, là où les choses se déroulent vraiment. «L’accession au Grand Conseil est venue par surprise, mais la suite tient davantage du travail et de la volonté. En tant que président, j’ai passé beaucoup de temps à multiplier les visites dans les régions et à monter la meilleure liste possible. Au lieu de faire trois sièges, ce qui était l’objectif, nous en avons obtenu quatre et c’est moi qui en ai profité! J’ai toujours affirmé que la politique agricole se fait à Berne et mon ambition d’être élu se trouvait précisément dans le but d’y avoir une influence.»

Le reste tient de l’histoire et d’une multitude de paramètres. «Il y avait une fenêtre, presque une envie, tant pour les Romands que pour l’UDC qui revendiquait un deuxième fauteuil au gouvernement et pour moi potentiellement un nouveau challenge après douze ans de parlement. Tout était réuni, même si une campagne pour le Conseil fédéral est peut-être la plus difficile que l’on peut vivre. Pendant des semaines, vous êtes au centre de l’attention et on ne vous fait aucun cadeau.»

D’autant que le «paysan de Bursins» est un peu traité à la légère avec une légitimité parfois remise en cause. «C’est vrai, mais le temps fait son œuvre à force de travail et finalement de résultats. Au bout d’un moment, quand on s’engage dans les campagnes et qu’on les gagne, qu’on débloque des dossiers importants, mais pas toujours médiatiques, on parvient à obtenir l’adhésion des parlementaires puis de l’opinion. J’ai connu quelques moments pénibles avec les agriculteurs par exemple. Ce sont des choses qui peuvent aussi arriver, mais cela fait partie du rôle d’un conseiller fédéral et plus globalement de la politique suisse qui avance à son rythme.»

L’homme des grandes rencontres

Le paysan de Bursins sur le tarmac pour accueillir le président des États-Unis. On se la raconte? Non, c’est juste la réalité que permet la Suisse en offrant l’opportunité à chacun ou presque de sortir du lot. «J’ai eu la chance de m’entretenir avec le pape, ce qui n’arrive pas tous les jours, et j’ai d’ailleurs trouvé sa personnalité remarquable. Je pense bien entendu à la réception à Genève pour la rencontre entre Joe Biden et Vladimir Poutine, ce qui reste un moment phare dans la vie d’un conseiller fédéral. »

Il n’y a cependant pas eu que des réjouissances: « J’ai en effet dû aller à Bruxelles expliquer à la Commission européenne que la Suisse ne signerait pas l’accord-cadre prévu, une échéance qu’il s’est agi de soigneusement préparer, comme le discours devant l’Assemblée générale de l’ONU à New York. Je retiens sur le plan intérieur la période du Covid-19 tant pour son intensité que pour l’importance des décisions que nous devions prendre. Je garde enfin un très bon souvenir des rencontres précieuses avec la population qui a été globalement reconnaissante d’avoir un gouvernement qui tenait le cap, même s’il y avait des avis discordants que j’ai par ailleurs toujours respectés.»

En charge de l’économie, Guy Parmelin a émergé, avec son profil rassurant, lors de la deuxième phase de la pandémie du Covid-19 durant laquelle il a assumé la fonction de président de la Confédération (2021).

Mais avec la guerre en Ukraine, la crise énergétique ou la faillite du Credit Suisse, sera-t-il désormais le ministre des restrictions et des mauvaises nouvelles à l’heure où une partie des Suisses peinent parfois à boucler leurs fins de mois? «On ne peut pas nier les problèmes, mais à l’échelle internationale, nous avons de nombreux atouts comme une situation financière saine. Il appartient aux élus de maintenir nos excellentes conditions-cadres en faisant des choix judicieux, en adoptant une certaine prudence et en prenant les bonnes orientations. Si je devais en citer une, ce serait l’apprentissage, qui fait la force du pays et qui doit être encouragé, tout comme l’enseignement supérieur évidemment.»

Les pieds sur terre

Comme la plupart des gens, Guy Parmelin – qui vient d’être plébiscité lors de sa réélection – s’apprête à passer les Fêtes en famille, mais a-t-il vraiment encore les deux pieds dans la réalité quelques jours après avoir dîné avec Emmanuel Macron. «Oui, je le crois. Par définition, l’Helvète reste simple, ne cherche pas le faste. Je vais tous les matins à pied au bureau, je salue les gens et je retrouve mes amis le dimanche au tea-room de Bursins. Le risque existe, bien sûr, mais je fais tout pour ne pas vivre dans une bulle, même si la frontière entre la vie privée et publique se révèle fine. Ainsi, j’ai toujours du plaisir à suivre un match de hockey et parfois du Lausanne Sport dont je reste un fidèle membre de la Confrérie.»

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