Le monde à ma porte – 4 octobre 2024
À la fin du mois d’août, j’avais expliqué dans cette chronique que je me moquerais de l’absurde décision cantonale consistant à interdire la cueillette des champignons les sept premiers jours du mois. Pour protéger la biodiversité, tel est l’argument qui me séduit assez peu, tellement peu d’ailleurs que j’hésite à demander, dans le même esprit et par initiative, que soient fermées toutes les pistes de ski du canton, cet hiver, chaque premier week-end du mois, pour éviter les bouchons sur les routes et la pollution en montagne, étant compris dans cet argument le dérangement de la faune. Ça va, je plaisante, mais bon quand même.
Cela dit, comme je l’avais projeté, je suis quand même parti me balader dans mes coins à champignons pour y admirer – car la loi n’interdit pas de découvrir et de regarder – la beauté, la perfection de ceux qui pointaient enfin le bout de leur chapeau après les grosses pluies de ces derniers temps. Les premiers arrivés furent les petits pieds-de mouton, suivis des coulemelles, puis de quelques minuscules bolets, et dans les prés de jolies bandes d’agarics champêtres. Je ne pouvais pas les cueillir, mais je voulais tout de même leur dire bonjour et en saisir le parfum qui certifie que l’automne est là, avec son cortège de merveilles en tous genres.
Me voilà donc, l’autre jour, presque à genoux dans la forêt, en compagnie d’un ami très cher, qui a les yeux en permanence ouverts sur la profondeur du monde encore préservé. Il sait, lui aussi, que partir aux champignons, c’est se donner la possibilité de vivre de petits bonheurs par tous les temps. Sous l’averse, nous avancions tels des chiens de chasse, truffe vers le sol, guettant toute forme ou couleur amie. Et tout à coup, il m’a appelé. «Regarde, là!» Le champignon vert venait de bondir, de se retrouver en mauvaise posture sur des branches, puis de repartir tranquillement. Ce n’était pas un champignon, même si sa couleur pouvait vaguement faire penser au strophaire vert-de-gris, qui ne viendra que très tard et que bien peu de gens cueillent.
C’était une grenouille, dodue, brillante, qui profitait de l’humidité ambiante pour faire son petit tour et que nous venions de déranger. Tiens, j’y pense, la loi pourrait aussi interdire de marcher dans la forêt pour ne pas troubler les grenouilles, les vers de terre, les fourmis, et les bostryches. Voir cette grenouille, je vous l’assure, ce fut pour nous non pas une consolation, mais un émerveillement, quelque chose de mieux encore que la découverte d’un panier de bolets.
Cette loi est idiote. Ceux qui l’ont édictée n’ont sans doute jamais vu un enfant accompagner un papa ou une maman dans la forêt pour y découvrir les champignons, peut-être en cueillir, mais aussi et en même temps croiser une grenouille verte et s’intéresser à sa vie.
Abonnez-vous !
Afin d'avoir accès à l'actualité de votre région au quotidien, souscrivez un abonnement au Journal de Morges. S'abonner, c'est soutenir une presse de qualité et indépendante.