Des enfants meurtris choyés à Lonay | Journal de Morges
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Des enfants meurtris choyés à Lonay

Des enfants meurtris choyés à Lonay

André et Monique Pontet avec un petit garçon venu du Bénin pour se faire opérer au CHUV. Photo: Cand

Monique et André Pontet hébergent dans leur maison des enfants venus de l’étranger pour se faire soigner en Suisse. Ils racontent cette belle aventure débutée il y a 25 ans.

C’est l’histoire d’un petit garçon né au Bénin il y a moins d’une année. Souffrant de multiples malformations cardiaques, il a été récemment transféré en Suisse pour subir plusieurs interventions chirurgicales qui ne peuvent être réalisées dans son pays natal. Son séjour sur les bords du Léman, il le passera entre les murs du CHUV et ceux de la famille Pontet à Lonay, où Monique et André accueillent au travers de leur association Enfants des 4 Vents de jeunes malades bénéficiant du programme «Voyage vers la vie» dirigé par Terre des hommes. Une aventure que le couple a débutée il y a 25 ans. «Avec les circonstances actuelles, on a un peu oublié de marquer le coup», réalisent les deux partenaires.

Nous avons eu jusqu’à sept enfants en même temps sous notre toit

André Pontet

Durant ce quart de siècle, une centaine de bambins meurtris ont été hébergés. Et comme les époux fonctionnaient également en tant que famille d’accueil pour le Service de protection de la jeunesse, l’ambiance au sein de leur maison a parfois été plutôt animée. «Nous avons eu jusqu’à sept enfants en même temps sous notre toit, se souvient André Pontet. Les autorités nous avaient demandé d’en prendre trois en charge en urgence. Chez nous, il y avait déjà une jeune placée pour une longue durée, nos deux filles que nous avons adoptées, ainsi qu’un garçon venu d’Afrique. Ce n’était pas de tout repos!»

Des souvenirs, les Pontet en ont évidemment à la pelle. «J’ai calculé que nous nous sommes rendus entre 1500 et 2000 fois au CHUV, indique le père de famille. Un chiffre impressionnant, mais qui est nettement inférieur au nombre de couches que nous avons dû changer (rires).»

Du rire aux larmes

Il y a aussi des rencontres très marquantes. À l’image de celle avec un garçon algérien âgé de onze ans, venu par l’intermédiaire d’une œuvre d’entraide active dans son pays. «Il était ce qu’on appelle un enfant de la Lune, raconte André Pontet. C’est un joli surnom donné aux personnes souffrant de Xeroderma Pigmentosum et qui ne peuvent pas être exposées aux rayons ultraviolets, au risque de développer des cancers. Quand il est arrivé chez nous, ce petit bonhomme était déjà très atteint. Il avait notamment un carcinome au visage qui l’avait rendu presque aveugle. Il ne voyait plus qu’à 5% avec un de ses deux yeux. C’était dramatique et les médecins n’ont finalement rien pu faire pour l’aider. Il est cependant un des jeunes avec qui nous avons le plus rigolé. Il avait un humour incroyable, malgré son état.»

Il adorait réaliser des puzzles, même s’il ne distinguait presque plus rien

Monique Pontet

Et Monique de poursuivre: «Il adorait réaliser des puzzles, même s’il ne distinguait presque plus rien. Il construisait également de grandes tours Duplo et quand elles s’effondraient, ça le faisait éclater de rire. Sa joie de vivre nous a profondément touchés. Il est finalement rentré dans son pays au bout de quelques mois. Et il est probablement aujourd’hui décédé.»
Probablement, car les époux lonaysans n’ont jamais eu de ses nouvelles. C’est une des spécificités du programme de Terre des hommes: la relation prend fin lorsque l’enfant quitte le lieu d’accueil. «On évite ainsi de répondre à des besoins ultérieurs et de potentiellement créer une concurrence sur place, détaille André Pontet. Une fois notre travail accompli, on coupe donc les liens. Ce qui arrive après ne nous concerne plus.»

Depuis un quart de siècle, il y a quand même eu quelques exceptions. «On a notamment reçu une très belle lettre de parents qui disaient “votre” enfant se porte bien, révèle Monique Pontet. Une famille de Mauritanie nous a aussi offert un magnifique tableau et on nous a parfois envoyé des photos prises lors des retours. Nous avons finalement gardé contact avec une jeune adulte sénégalaise via les réseaux sociaux.»

Soutiens précieux

Pour mener leur mission à bien, les Lonaysans ont naturellement dû revoir leur emploi du temps. André a progressivement réduit son taux de travail d’enseignant, tandis que Monique a stoppé sa carrière professionnelle il y a 25 ans pour s’investir pleinement au sein de l’association qui fonctionne entièrement sur le bénévolat. «C’est du 24 heures sur 24, précise André Pontet. On est susceptibles d’être réveillés n’importe quand et lorsqu’on est debout, il y a toujours quelque chose à faire.»

Le couple peut par ailleurs compter sur l’appui financier de la «soixantaine de membres» de l’organisation. «Il y a également des volontaires qui se proposent pour emmener un enfant à l’hôpital ou faire une promenade, ajoute l’époux. Nous percevons des dons de fondations, ainsi que des aides en nature d’entreprises comme de la nourriture pour bébé. Des gens nous apportent aussi des habits ou des jouets. Toutes ces généreuses attentions nous permettent de rester bénévoles. Et j’aime à dire que chaque franc reçu a été décuplé. Notre budget de fonctionnement serait dix fois supérieur si toutes les prestations effectuées étaient facturées.»

Une réserve naturelle

Lorsque l’on arrive chez André et Monique Pontet, difficile de ne pas remarquer le grand jardin. «Comme nous passons beaucoup de temps chez nous et que nous ne pouvons pas partir en vacances avec l’accueil des enfants, nous avons souhaité avoir une maison avec beaucoup de verdure, indique le père de famille. Cet espace de 2500 m2 est une sorte de petite réserve naturelle. On y trouve des tas de branches, des rocailles, un poulailler ou encore des ruches. Les bambins peuvent s’y amuser, ainsi qu’y découvrir la petite faune et flore de la région. Nous y cultivons également des légumes selon les principes de la permaculture. Un mot qui n’existait pas quand on a commencé à s’intéresser à l’écologie il y a quarante ans.»

En chiffres...

13500

C’est le nombre d’enfants qui ont été soignés en Europe depuis le début du programme de Terre des hommes il y a plus de 50 ans, soit quelque 250 bambins par année.

5000

En francs, le coût moyen estimé pour la prise en charge du voyage et des soins de chaque enfant.

80%

Soit le pourcentage de patients qui souffrent de maladies cardiaques complexes. Le taux de succès des traitements est de 98%. La majorité des enfants séjournent à la «Maison» de Terre des hommes en Valais. Les plus jeunes ou certains cas compliqués sont hébergés dans des familles d’accueil.

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