Bernard Clavel, Goncourt de Morges et environs
Il aurait eu 100 ans lundi. L’écrivain français Bernard Clavel, lauréat du Prix Goncourt, était amoureux de la région morgienne. Sa veuve et une amie de Reverolle racontent.
«Quand il est décédé, je me suis réfugiée quelques jours dans le canton de Vaud car c’est là que je me retrouvais au plus près de lui.» Josette Pratte, seconde épouse et veuve de Bernard Clavel, ne cache pas une certaine émotion au moment d’évoquer l’homme et l’écrivain dont elle a partagé la vie. Le Français aurait eu 100 ans ce lundi, mais une hémorragie cérébrale survenue en 2003 l’a affaibli, puis emporté en 2010.
Né à Lons-le-Saunier (F) 87 ans plus tôt, ce fils d’un boulanger et d’une fleuriste est tombé sous le charme du Léman et ses environs dès sa première visite dans la région, alors qu’il n’était encore qu’un enfant. «Son père était impressionné par le soin apporté au travail des vignes, tandis que lui a immédiatement été fasciné par le lac, raconte Josette Pratte. Il en était véritablement amoureux, particulièrement en automne et en hiver, où il trouvait la lumière beaucoup plus belle.» Cette admiration donnera son titre à l’un des plus de cent ouvrages publiés par cet auteur prolifique.
La lumière du lac a été principalement écrit à Reverolle, dans une chambre au troisième étage d’une ferme rénovée où vivaient Colette et Pierre Sauter. «Mon mari l’avait rencontré via un ami commun et nous l’avions hébergé pour dépanner, raconte Colette Sauter. Ensuite, c’était inimaginable qu’il loge ailleurs!»
J’adorais écouter ses anecdotes. J’étais une privilégiée, car il était plutôt réservé de nature.
Colette Sauter, habitante de Reverolle et amie de l’auteur
Talent de conteur
Désormais seule habitante des lieux, la femme de 81 ans rayonne lorsqu’elle évoque cet homme «fascinant», bien que «pas toujours facile à vivre», avec qui elle a noué une solide amitié au fil de ses séjours répétés à Reverolle, dès les années 1970 – de même qu’avec Andrée, la première épouse de l’auteur. «Je trouvais qu’il était meilleur conteur qu’écrivain, confie Colette Sauter. Il avait connu des gens très intéressants, comme Brassens par exemple, et j’adorais écouter ses anecdotes. J’étais privilégiée, car il était plutôt réservé de nature.»
Jadis, l’artiste a aussi été pâtissier, rédacteur juridique ou encore relieur. Et en avait conservé une certaine rigueur. «Il se couchait tôt et se levait à quatre heures du matin pour travailler», témoigne Colette Sauter. Elle décrit en outre «un homme très modeste, qui aimait les gens de métier et avait en horreur les élites et les intellos.» Josette Pratte confirme: «Il appréciait beaucoup les Suisses, qu’il considérait plus pragmatiques et ordonnés que les Français. Mais le plus marquant, c’était son respect des gens simples. Il s’est glissé dans la peau des sans voix, des animaux et des plantes, en faisant corps avec eux.»
Le plus marquant, c’était son respect des gens simples. Il s’est glissé dans la peau des sans voix, des animaux et des plantes, en faisant corps avec eux.
Josette Pratte, veuve de l’auteur et présidente de l’association Lire Clavel
Le couple a vécu à Morges de 1981 à 1985, puis à Vufflens-le-Château dans les années 1990. Mais l’idylle de Bernard Clavel avec la région est plus ancienne encore. Le 24 juin 1956 déjà, c’est à Morges qu’il a reçu son premier prix littéraire. Suivront plusieurs autres, dont le fameux Goncourt pour Les fruits de l’hiver en 1968. Il sera élu à l’Académie du même nom en 1971, démissionnera six ans après et refusera par deux fois la Légion d’honneur.
Érigé bourgeois d’honneur de la commune en août 1985, Bernard Clavel est toujours bien vivant à Reverolle. Ne serait-ce que chez Colette Sauter, qui lui a dédié une bibliothèque entière dans sa maison. Elle avoue ne pas avoir lu tous les livres qu’elle contient, mais se remémore avec plaisir les moments partagés dans la cuisine avec l’écrivain. «Il pouvait être colérique et il détestait le fromage, rigole-t-elle. Le simple fait d’en parler pouvait le mettre hors de lui! Mais j’adorais l’écouter pendant qu’on pelait des légumes pour préparer une soupe.»
Un homme engagé
Bernard Clavel a publié plus d’une centaine de romans, essais ou encore contes pour la jeunesse. Il était aussi engagé: en faveur de la paix, des droits humains et de l’écologie. «C’est un homme qui marche, quelqu’un de libre et insoumis, décrit Josette Pratte. Il respectait beaucoup les règles de la vie quotidienne, mais quand il fallait s’opposer à quelque chose qui lui semblait injuste, il était prêt à tout risquer.» Pour celle qui préside l’association Lire Clavel, cette année de centenaire est une occasion de repositionner une œuvre «accessible, mais néanmoins riche, et surtout intemporelle. Les thématiques abordées sont très actuelles, comme la guerre, la faim, les nouvelles technologies, la cruauté envers les animaux, la pandémie ou encore l’exil», énumère-t-elle.
Notez enfin qu’un livre (Bernard Clavel – une destinée jurassienne, éd. Cabédita) vient d’être publié pour retracer la vie de l’auteur.
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