Et le dérèglement climatique dans tout ça?
Dans une actualité intense où le conflit russo-ukrainien fait rage, le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) est passé pratiquement inaperçu. Est-ce normal? Et pourquoi? La rédaction donne son avis.
"Un rapport qui tombe à un bien mauvais moment"
Dans le contexte actuel, je dirais que oui, malheureusement, il est normal que le rapport du GIEC passe inaperçu. Le réchauffement climatique est, selon moi, l’enjeu majeur de notre époque et pourtant, comment imaginer la Une d’un journal sur le rapport du GIEC alors que la guerre fait rage en Europe, une première depuis la Seconde Guerre mondiale? Le paysage médiatique a, lui aussi, ses hiérarchies et en ce moment, la question environnementale est reléguée au second plan quitte même à jouer les figurants. On peut bien sûr le déplorer, mais comment faire autrement? Ce qui se passe en Ukraine, c’est une nouvelle page de l’histoire de la géopolitique mondiale qui s’écrit. Huit décennies de paix ont pris fin sur le Vieux Continent il y a une semaine et il est impossible de ne pas en faire le sujet principal. Alors que la pandémie est bientôt derrière nous, certains imaginaient peut-être la priorité climatique monter – à nouveau – sur le devant de la scène et bâtir le fameux monde d’après… Ce dernier attendra. Je vais donc continuer, à mon modeste niveau, de prendre le plus possible les transports publics, de consommer local, d’éviter le plastique… mais avec l’Ukraine dans un coin de ma tête.
«Qu’est-ce qu’on mange?»
Évidemment, le réchauffement climatique devrait être une préoccupation majeure de l’ensemble de la population mondiale, on parle purement et simplement de la survie de l’être humain. Oui, mais! Pour une partie des habitants de notre planète – la majorité en fait – l’urgence ne vient pas de cette menace-là, un peu abstraite et lointaine quand même, mais bel et bien de savoir s’ils pourront – ou non – payer leur loyer et se nourrir à la fin du mois. On l’a vu avec les gilets jaunes, augmenter le prix de l’essence de quelques centimes suffit à mettre des familles dans le rouge. Et on parle de la France, pas de pays qui doivent faire face à une pauvreté bien plus présente, à des maladies ou autres conflits armés. Je le regrette, mais la crise climatique est un « problème de riche » que certains peuvent se permettre de vouloir arranger quand d’autres n’ont pas les moyens d’y penser car d’autres soucis les préoccupent davantage. Paradoxalement, les riches, eux, n’en font pas assez… Pour certains, le pied du mur n’est pas dans quelques années, mais bien demain, quand il faudra se demander « qu’est-ce qu’on mange aujourd’hui? »
«Une lutte qui m’a perdue en route»
Me suis-je détachée de la cause climatique? Ce sujet primordial, dont j’aurais voulu qu’il fasse la Une des journaux jusqu’à ce qu’un virement de situation s’opère, m’a-t-il usée? Au point que mon intérêt s’étiole? Car il est vrai que je n’ai accordé que peu d’importance au rapport du GIEC, quand il aurait dû capter toute mon attention. Je n’ai pas toujours été aussi cynique. De mon œil naïf et humaniste, j’ai pensé qu’on arriverait à une prise de conscience générale. J’ai eu foi en celles et ceux qui se battaient pour la planète. J’ai eu envie de bien faire les choses, de m’aiguiller vers un mode de vie décroissant. Mais il y a eu le Covid. Et là, j’ai sérieusement commencé à déchanter. Voir le monde se retrouver à l’arrêt en un temps record; le Conseil fédéral s’emparer de la crise, dictant jour après jour des règles contraignantes que chacun appliquait à la lettre. Le tout avec une bonne leçon à la clef: “Quand on veut, on peut.” Mettre sur le même plan l’urgence la pandémie avec la crise environnementale n’est peut-être pas pertinent pour tout le monde. Mais pour moi, cela a été un moment déclencheur: celui où, à force de constater la lenteur de la riposte, la thématique du climat m’a un peu perdue en cours de route.
«Pas la même capacité de réaction»
Ce que je regrette lorsque j’ose comparer la crise ukrainienne à la climatique, c’est la capacité qu’ont les gouvernements occidentaux à réagir rapidement dans le premier cas, contrairement au second. Il n’aura fallu que quelques heures pour s’accorder sur les sanctions à prendre à l’encontre de la Russie – ce que je salue – même si le réveil a été à mon sens un peu tardif. Je constate également qu’en un claquement de doigts, le chancelier allemand Olaf Scholz a par exemple débloqué une enveloppe exceptionnelle de 100 milliards d’euros pour moderniser son armée. Face à ces mesures, je me demande pourquoi on n’applique pas la même urgence au réchauffement climatique. Synthèse d’environ 34 000 papiers scientifiques, le dernier rapport du GIEC indique tout de même que 3,3 à 3,6 milliards de personnes, soit près de la moitié de l’humanité, vivent d’ores et déjà dans des contextes « très vulnérables » au changement climatique. Et conclut que si l’on tarde à lancer une action mondiale préventive, la courte fenêtre d’opportunité pour assurer à tous un avenir durable et digne d’être vécu se refermera rapidement. Comme l’ukrainienne, la crise climatique mérite des actes immédiats que je n’observe pas.
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