La jaunisse plombe les betteraviers et le sucre suisses
Déjà en difficulté, le secteur de la betterave est enfoncé par des pucerons qui émergent avec l’interdiction des néonicotinoïdes. Les agriculteurs craignent la fin d’une production de sucre indigène.
Cinquante à septante pour cent: c’est la réduction des rendements annoncée pour la récolte de betteraves cette année. «Dans notre région, on passe de 12 à 5 tonnes de sucre produites à l’hectare! C’est une catastrophe d’un point de vue financier», se désole le président de l’Association des betteraviers Venoge-La Côte Pierre-Alain Épars.
La raison de ce cataclysme? Les légumes souffrent de la jaunisse, une maladie transmise par les pucerons. Des pucerons qui se sont régalés cette année dans les champs, depuis une décision fédérale d’interdire certains insecticides. «Tant qu’il y avait de l’enrobage de graines néonicotinoïdes, soit jusqu’en 2019, il n’y avait pas de pucerons, analyse Pierre-Alain Épars. La Région Venoge-La Côte subit de plein fouet la maladie, mais ce n’est heureusement pas le cas dans toute la Suisse: plus on va à l’est, moins on constate de dégâts. Ici on est presque tous touchés.»
Requête balayée
La situation a poussé les betteraviers à demander à l’Office fédéral de l’agriculture de réintroduire provisoirement l’insecticide dans leurs cultures, comme cela a été fait en France voisine notamment. «Certains pays sont revenus en arrière pour les trois prochaines années, d’autres ont homologué des produits pour réduire l’impact des pucerons, mais ces traitements foliaires ont des résultats plus aléatoires qu’avec des néonicotinoïdes», explique Pierre-Alain Épars.
L’OFAG a répondu négativement à la requête ce jeudi (voir encadré), mais la Fédération suisse des betteraviers espère ne pas être lésée par rapport aux autres pays européens. «Il est utopique de penser qu’on peut continuer à cultiver les mêmes quantités sans faire appel à des insecticides, estime le président de l’Association des betteraviers Venoge-La Côte. Et on ne va quand même pas interdire ces produits chez nous pour importer du sucre de pays où son utilisation est autorisée?»
Secteur menacé
Cette année 2020 catastrophique s’inscrit dans un contexte déjà compliqué pour les producteurs de betteraves suisses. Tandis que le prix du sucre ne cesse de décroître, le montant que touchent les paysans a tout simplement diminué de moitié entre 2008 et 2018, passant de 86 francs la tonne à 43, comme le révèle l’Agence d’informations agricole romande (AGIR).
Mais il n’est pas encore question de baisser les bras pour Pierre-Alain Épars. «Je vais me battre pour une hausse des prix de la betterave: si l’on vend un produit plus écologique, il faut que l’acheteur le paie plus cher et compense des rendements qui sont moindres.»
Si pour l’heure, 70% de la consommation de sucre dans le pays est couverte par les 250 000 tonnes de production indigène, le secteur et les deux sucreries nationales sont fortement menacés. «Sans changement positif, les paysans vont en arrêter la culture et les deux usines fermeront, prophétise Pierre-Alain Épars. Car si l’on ne peut pas sauver un certain nombre de surfaces, c’est à coup sûr l’abandon de la production de la betterave qui nous attend en Suisse.»
La réponse de l'OFAG
L’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a annoncé jeudi une approbation d’urgence dans la lutte contre le jaunissement viral de la betterave sucrière. L’utilisation de traitements foliaires sera autorisée par l’OFAG pour combattre la maladie qui touche actuellement la culture desdits légumes. Ces produits sont déjà utilisés dans la culture de la pomme de terre.
En outre, un programme de recherche permettant de renforcer la lutte contre le puceron vecteur de cette maladie sera mis en place. L’utilisation «Gaucho» reste donc interdite dans la betterave en Suisse. Pour rappel, cette substance de la famille des néonicotinoïdes a été prohibée le 1er janvier 2019 en raison du risque pour les pollinisateurs.
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