La région est solidaire avec l’Ukraine
Accueil de réfugiés, récolte de produits de première nécessité… dans le district, de nombreuses personnes se mobilisent pour venir en aide aux victimes du conflit.
La guerre fait rage et après les sanctions économiques, le Conseil fédéral doit se prononcer aujourd’hui sur l’octroi d’un statut de protection spécial (permis S) aux Ukrainiens réfugiés en Suisse.
De leur côté, nombre de citoyennes et citoyens, dans la région comme dans le monde entier, n’ont pas attendu pour se mobiliser et tenter d’apporter leur aide à leur échelle. On compte pléthore d’actions dans le district et pour beaucoup, cet engagement pourrait s’inscrire dans la durée.
Familles d’accueil
Plus de deux millions de personnes, majoritairement des femmes et des enfants – les hommes étant astreints au combat sur place – ont quitté l’Ukraine et près de 1500 sont arrivés en Suisse, selon le Haut commissariat aux réfugiés et le Secrétariat d’État aux migrations. Parmi ces exilés: Kristina, Anastasya et son fils Nazar, dont le périple marque une halte depuis dimanche chez les Badoux, à Aubonne. «Le contact s’est fait via Facebook, explique Frédéric Badoux. Avant cette expérience, ses parents et lui n’avaient aucun lien avec l’Ukraine. «Mais nous avions de la place à disposition et grâce au bouche-à-oreille, deux familles se sont très vite montrées intéressées. Nous ne voulions pas laisser tomber l’une des deux alors nous avons cherché d’autres logements». De fil en aiguille, l’Aubonnois coordonne les échanges entre neuf familles de réfugiés et des habitants de la région. «Aujourd’hui, nous avons davantage d’hébergements à disposition que de bénéficiaires potentiels sur la liste», se réjouit-il.
Des actions par dizaines
Impossible d’énumérer ici toutes les initiatives citoyennes qui ont fleuri en quelques jours dans la région tant elles sont nombreuses. Sur les réseaux sociaux notamment, les appels aux dons se multiplient: produits de première nécessité, jouets, café, médicaments ou encore vêtements. Des réfugiés ont aussi été hébergés à Gimel et Bière. Certains se rendent sur place pour œuvrer sur le terrain. À cela s’ajoutent en outre les actions menées par diverses entités non gouvernementales telles que Caritas, Terre des Hommes, Amnesty International, Médecins sans frontières ou la Chaîne du Bonheur.
Depuis son tabac Le Savoie, à Morges, Daniel Grenier orchestre lui aussi l’accueil de réfugiés. Sa femme Natalia est en contact permanent avec ses parents, qui vivent à cinq kilomètres au nord-est de Kiev. «Nous essayons de les aider à venir en Suisse, mais rien n’est simple, confie le citoyen d’Echichens. Nous avons beaucoup d’amis sur place et nous connaissons des Ukrainiens ici en Suisse. On ne pouvait pas rester sans rien faire.» Depuis trois jours, le couple multiplie les messages sur les réseaux sociaux, en quête de bénévoles prêts à mettre une partie de leur logement à disposition. Il entend ainsi jouer les intermédiaires, notamment sur le plan linguistique, et espère «faire bouger les choses dans la région de Morges pour aider un maximum de personnes.»
Durant combien de temps? «C’est provisoire, mais on sait aussi que les réfugiés vont continuer à venir. Le gouvernement devra mettre des structures en place. En attendant, s’il faut accueillir quelqu’un sur des mois, on peut le faire!» expliquent les Grenier. Lesquels ont eux-mêmes ouvert leur porte à une ressortissante ukrainienne arrivée en Suisse il y a une semaine. «On comprend que certains puissent être hésitants à l’idée d’héberger des inconnus, car c’est tout sauf anodin, soulève le couple. Mais il ne faut pas avoir peur, les gens sont très ouverts et reconnaissants.»
De telles initiatives sont nombreuses dans le coin. À l’image de cette maison à Morges, vouée à la démolition et transformée en deux jours en trois appartements d’accueil par la famille Daccord. Selon l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés, plus de 16 000 ménages seraient prêts à accueillir des migrants.
Produits de base
La collecte de denrées de première nécessité figure parmi les autres modes d’action très répandus dans la région. Associations et particuliers mettent à disposition des locaux où chacun peut déposer ce qu’il souhaite, selon des listes préétablies calibrées aux besoins.
À Vufflens-le-Château, Maria Ravet et son mari Guy ont été les premiers surpris par la quantité de produits d’hygiène et de nourriture qu’on leur a apportée: de quoi remplir près de six palettes en une semaine. Tout vient d’être amené à la centrale lausannoise d’une association et d’autres allers-retours sont déjà prévus dans les jours à venir. «C’est très touchant, c’est incroyable à quel point les gens sont généreux», confie la native de Krementchouk, au centre géographique de l’Ukraine.
En lien permanent avec ses parents et ses proches restés au pays, la Vufflanaise dit s’efforcer «de créer une chaîne de contacts entre la Suisse et les Ukrainiens pour déterminer quelles sont les priorités sur le terrain.» Et se résout aussi à envoyer directement de l’argent pour parer au plus pressé: «En ce moment, le plus urgent ce sont les médicaments, les kits de premiers secours et la nourriture pour bébés, affirme-t-elle. En donnant de l’argent, la population peut acheter ce qu’elle trouve sur place plutôt que d’attendre les camions.» L’acheminement de produits demeure néanmoins essentiel, précise la juriste en droit international de formation.
Le moral impacté
Les bénévoles avec lesquels nous avons échangé déplorent les amalgames entre la politique du Kremlin et la population russe de manière générale. «Le vrai ennemi, c’est Poutine!», dénoncent Maria Ravet et Daniel Grenier. Surtout, ils se disent émus par l’élan de solidarité constaté sous nos latitudes depuis le début du conflit. «C’est touchant, surtout comparé à la relative réticence lors des précédentes vagues migratoires», estime Frédéric Badoux.
J’ai proposé à des amis de les héberger mais ils ont refusé. La plupart veulent rester sur place pour se battre
Maria Ravet, Vufflens-le-Château
Ces bonnes actions n’en sont pas moins chronophages et éprouvantes psychologiquement. À sa «modeste» échelle, le couple Grenier révèle y consacrer une part très conséquente de ses journées… et surtout de ses nuits. «Nous avons des liens très forts avec ce pays et sa population, c’est impossible de ne pas y penser constamment», racontent les Echichanais. Maria Ravet s’efforce quant à elle de garder la tête haute, mais confie son inquiétude pour ses concitoyens: «Ils vivent l’enfer sur terre, résume-t-elle, très émue. Les maisons sont détruites, les gens n’ont plus rien. C’est difficile d’assister à tout ça à distance. J’ai proposé à des amis de les héberger, mais ils ont refusé; la plupart veulent rester sur place pour se battre. J’aimerais avoir 34 heures dans une journée pour les aider.»
Les prochains jours seront stressants, prédit Frédéric Badoux. Car les autres familles qu’il a contactées arriveront à leur tour en Suisse. «Mais j’ai du temps et je reste serein. Malgré la tragédie, je crois que tout le monde est optimiste et veut aller de l’avant.»
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Un havre de paix créé en 48 heures, pour les Ukrainiens
En quelques jours seulement, ils ont transformé et remeublé leur ancienne maison familiale, vide et en attente de démolition, pour les réfugiés.
Par Gaëlle Monayron
Depuis samedi, la jolie maison aux volets bleu-vert de la famille Daccord, nichée dans les hauteurs morgiennes, est en pleine effervescence. Famille, amis, voisins, et connaissances s’attèlent sans relâche à réaménager l’habitation vide, qui jusqu’alors attendait l’autorisation d’être démolie, en un petit havre de paix, destiné à accueillir au plus vite des réfugiés ukrainiens.
« En fait, tout est parti d’un simple coup de téléphone, explique Magdalena Daccord. On était à la Coop, lorsque des amis nous ont appelés, pour nous dire qu’une famille ukrainienne, connaissance éloignée d’amis à eux était déjà en chemin ». Six personnes qui cherchaient un endroit où loger. « Là on a compris que c’était vraiment réel, et que ça avait commencé. J’ai fondu en larmes dans la Coop, raconte la mère de famille encore émue. «C’est des gens qui ont dû partir en cinq minutes de chez eux, ajoute son mari. Pendant que nous on a cette maison sur les bras.
Avalanche de solidarité
« On a prévenu nos proches, puis le bouche-à-oreille a pris le relai de manière incroyable », s’émerveillent-ils, encore un peu sous le choc face à l’ampleur de la mobilisation. « On a des amis qui ont débarqué, panosse à la main, prêts à nettoyer. D’autres ont fait fonctionner leur réseau de connaissances afin de trouver de quoi meubler les trois appartements de la maison, et désormais de l’équipement arrive en permanence.» Et Magdalena Daccord d’ajouter : « Il y a même une dame, qu’on ne connaît pas, qui va acheter une machine à laver exprès ». De Montreux à St-Georges, en passant par Blonay, Longirod, et d’autres localités, des personnes que le couple ne connaît pas directement ont voulu participer. En 48 heures, l’affaire était pratiquement bouclée. « L’appartement du haut est habitable dès ce soir, témoignait mardi Pierre Daccord. Celui du milieu le sera dans quelques jours, et celui du rez sera prêt dès qu’on aura repeint les murs ».
La maison a été aménagée de sorte à pouvoir accueillir trois familles, qui pourront y vivre séparément et de manière indépendante. « C’est important, après tout ce qu’ils ont traversé, qu’ils puissent retrouver une certaine intimité, et surtout la sécurité d’une porte fermée à clé », explique la sœur de Pierre Daccord, qui a notamment grandi entre les murs de cette maison.
Accueillis et intégrés
Par ailleurs, les réfugiés ne seront pas livrés à eux-mêmes une fois installés. En collaboration avec l’école privée de leurs enfants, le couple planche déjà sur un projet de Tandem, afin de mettre en relation leurs futurs hôtes avec des famille ressources qui puissent les aider à s’intégrer. « On est plusieurs à venir de l’étranger, donc on sait quels sont les besoins, et combien c’est difficile de comprendre le système d’un nouveau pays », témoigne Magdalena Daccord, polonaise d’origine. Arrivée en Suisse en 2009, elle se souvient : « la première fois que je suis descendue en gare de Nyon j’étais perdue, car tout était en français ».
Si les six réfugiés à l’origine de ce bel élan de solidarité ont trouvé, entre temps, un autre logement, les Daccord et leur entourage se tiennent prêts: « Fausse alerte pour ce coup-ci, mais ça nous a donné l’impulsion, car d’autres arrivent, ce n’est qu’une question de temps ».
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